Le passager clandestin (cf http://lepassagerclandestin.fr ) va ré-éditer mi octobre Romanesque 2.0 (http://romanesque.fr ) accompagné d’un supplément documentaire intitulé « un logiciel bientôt prix Goncourt ».
Ce texte est d’ores et déjà disponible en ligne sur ce blog
Bonne lecture.
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Un logiciel bientôt prix Goncourt ?
Olivier Las Vergnas, 12 septembre 2007
1. Ne pas confondre « automate romancier » et « hypertexte »
La question des automates écrivains nest pas nouvelle. Déjà J. Swift, dans ses Voyages de Gulliver, édités en 1726, mettait en scène un générateur de phrases, à base de cylindres et de dés sur lesquels étaient écrits des mots qui sinter changeaient grâce à avec des manivelles.
Sur chaque face des dés étaient collés des papiers, et sur ces papiers on avait écrit tous les mots de la langue dans leurs différents modes, temps et déclinaisons, mais sans ordre. Le maître minvita à regarder, parce quil allait mettre la machine en mouvement. À son commandement, les élèves prirent chacun une des manivelles de fer, au nombre de quarante, qui étaient fixées le long du métier, et, faisant tourner ces manivelles, ils firent changer totalement la disposition des mots. Le professeur commanda alors à trente-six de ses élèves de lire tout bas les lignes à mesure quelles paraissaient sur le métier, et quand il se trouvait trois ou quatre mots de suite qui pouvaient faire partie dune phrase, il la dictait aux quatre autres jeunes gens qui servaient de secrétaires.
Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, 1726.
Ce dispositif ingénieux préfigurait la littérature combinatoire, qui allait devenir la thématique clef des surréalistes comme Raymond Queneau. Ils singénièrent à explorer comment le travail de lécrivain peut être singé ou caricaturé, voire dépassé par des variations systématiques. Ainsi, des textes emblématiques, comme les Exercices de style[1] proposant quatre-vingt dix neuf versions de la même anecdote ou les Cent milliards de poèmes[2] ont eu une influence déterminante sur la création littéraire durant tout le vingtième siècle. Il en va de même avec la « Bibliothèque de Babel »[3] qui, selon Jorge Luis Borgès, son auteur, aurait hébergé dans ses rayonnages tous les livres de 410 pages (voir encadré 1).
Généralisant lidée de la poésie dans celle de la littérature à contrainte[4], Raymond Queneau et le mathématicien François Le Lyonnais fondèrent en 1960 lOuvroir de Littérature Potentielle, lOuLiPo[5] avec un double projet. Il sagissait dune part dimaginer et dexpérimenter des contraintes littéraires nouvelles et dautre part détudier les uvres passées à la lumière de ces nouveaux moyens. Plus récemment, lAlamo (Atelier de Littérature Assisté par
Encadré 1: la littérature combinatoire, de larmée des douze millions de singes à la bibliothèque de Babel en passant par la fin du monde Dans la bibliothèque de Babel, Borgès met en scène une gigantesque bibliothèque universelle contenant tous les ouvrages du monde de 410 pages. Lidée fondatrice de cette bibliothèque est quil suffit de recueillir toutes les combinatoires possibles de toutes les lettres pour arriver à former si lon dispose de suffisamment de temps tous les mots possibles, puis avec encore plus de temps tous les paragraphes… et tous les textes de 410 pages.
Voilà qui renvoie au « miracle des singes dactylographes» inventée en 1913 par Émile Borel dans son ouvrage « Le hasard » [6] pour estimer la probabilité dun événement. Il propose lexpérience suivante : « Concevons que lon ait dressé un million de singes à frapper au hasard sur les touches dune machine à écrire et que sous la surveillance de contremaîtres illettrés, ces singes dactylographes travaillent avec ardeur dix heures par jour avec un million de machines à écrire de types variés. Les contremaîtres illettrés rassembleraient les feuilles noircies et les relieraient en volumes. » Dans son livre, Borel conclut quau bout dun an le résultat serait dérisoire et quil faudrait un temps presque infini pour produire tout le « contenu des plus riches bibliothèques du monde ». Cette conjecture mathématico-littéraire a généré de multiples clins dil à la littérature combinatoire dans de nombreuses uvres au XXe siècle.
A signaler aussi dans la même veine, « les neuf milliards de noms de Dieu »[7], une nouvelle dArthur C. Clarke où cet auteur de science-fiction met en scène un ingénieur, lui plus efficace que les singes dactylographes : il installe un ordinateur dont le but est de réaliser la mission ultime de lhumanité qui est de coucher par écrit tous les noms de Dieu Quand cette mission sera accomplie, lunivers séteindra, prévoit la croyance. Alors quil quitte le monastère où il vient de lancer le programme en charge de réaliser cette prophétie, il lève les yeux au ciel et découvre que les étoiles commencent à séteindre une à une.
La machine de Swift parait simple avec sa logique combinatoire. De fait, elle permet déjà de distinguer deux finalités différentes chez les auteurs qui inventent des littératures informatiques. Dun côté, certains créateurs dhypertextes[8] proposent des générateurs duvres variables offrant à chaque lecteur le moyen daccéder en fonction de ses choix à autant de versions de luvre quil le souhaite[9]. De lautre, une seconde tendance essaie dautomatiser la production dun roman au sens classique du terme. Cette seconde tendance tente ainsi de seconder lécrivain par un cerveau électronique, qui produit comme lhumain un texte à lire linéairement.
Le premier groupe connait aujourdhui de grands développements au sein de la communauté des passionnés de la fiction interactive, qui produit de multiples uvres diffusées gratuitement sur Internet[10]. Avec les évolutions techniques, il a aussi donné naissance à une autre série de productions destinés à être consultés uniquement sur écran. Ces uvres se proposent dutiliser les médias pour produire de nouveaux types duvres qui sont des expériences transitoires observables pour reprendre la dénomination dun des sites de référence en la matière[11]. Philippe Bootz, un de ses animateurs, précise que La terminologie « transitoire observable » tient à son mode de production. Ce qui apparaît à lécran est [ un ] événement éphémère et transitoire qui nest jamais fixé de façon définitive sur un support. »
Jean-Pierre Balpe, un des chefs de file de ce groupe, caractérise quant à lui ces trajectoires de la manière suivante : Ce qui se manifeste dans toutes ces tentatives est une redéfinition de quelques-unes des notions qui semblaient orienter la littérarité. Au texte, jusque-là installé et immobilisé dans la matérialité du livre comme un produit figé, définitif, vérifiable, quasi sacralisé et intouchable, se substitue une spectacularisation du processus et un « espace de textes » permettant un ensemble de jeux dans lesquels le « lecteur » – comment lappeler autrement ?- se trouve changé en joueur [12]
2. Un cadavre exquis ne fait pas Romanesque
Aujourdhui de multiples uvres hypertextuelles et surtout hyper médiatiques -c’est-à-dire ne se limitant pas à de la « matière textuelle »[13] – sont disponibles sur Internet et témoignent de linsatiable fertilité de lactivité artistique humaine ainsi que de sa capacité à sapproprier tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à des médias dexpression. En revanche peu de chercheurs travaillent encore sur la génération de récits classiques de fiction. Certes, quelques enfants de lOulipo ou de lAlamo ont développé des générateurs littéraires de différentes natures, mais de fait, ils ont surtout produit des logiciels qui inventent quelques phrases poétiques ou humoristiques. Malgré la grande richesse dInternet, force est de constater que lon ne trouve aujourdhui en ligne que des réminiscences de telle ou telle expérience de roman auto-généré comme ceux de J.-P. Balbe, mais aucun réel générateur automatique de roman classique au sens de celui exposé dans Romanesque 2.0.
Pour se poser la question de la vraisemblance dun logiciel comme Romanesque, essayons de préciser ses spécificités. Sa finalité est de produire une uvre romanesque classique, destinée à être lu comme nimporte quel autre roman, même sil peut, dans les phases de conception du texte, produire de multiples récits composés de fragments dont lagencement est variable. Romanesque peut ainsi par moment sappuyer sur des stratégies qui font penser à un cadavre exquis, processus de production aléatoire (comme celui inventé par J. Swift) ou collectif (comme celui rendu célèbre par les surréalistes, où chacun écrit à son tour un mot dune phrase, sans avoir connaissance des mots précédents). Historiquement, le processus en question sutilise au niveau dune phrase, mais il peut aussi simaginer à dautres échelles (juxtaposition de phrases normalement non liées pour créer automatiquement des paragraphes). Il a connu récemment une nouvelle jeunesse avec la mode des Haïkus dont la compacité et lapparente simplicité syntaxique peut laisser croire quils pourraient être facilement automatisables.
Ce processus des « cadavres exquis » peut ainsi servir à générer une ou plusieurs phrases pour le plaisir ou la curiosité. Cétait le cas pour les surréalistes qui lassociaient à lidée de lécriture automatique. Cest un jeu, mais il flirte avec une sorte de défi prométhéen dont lobjet est la création dun automate écrivain. Ses phrases autogénérées ont même un sens et cest dailleurs pour cela que les cadavres exquis émeuvent le lecteur. Bien quils produisent des phrases absurdes, il semble néanmoins sen dégager un embryon de sens. En fait, ils laissent pressentir que la séparation apprise à lécole entre syntaxe creuse et sémantique portant le sens nest pas pertinente. Cela est dautant plus perceptible avec des cadavres exquis à contraintes, qui puisent leur mots dans un réservoir spécifique à un univers (culinaires, mythologiques, astronomiques ) Ainsi peut-on produire des phrases qui non seulement sont correctes syntaxiquement mais qui de plus semblent véhiculer un sens précis à chaque coup, car tous les mots employés résonnent entre eux en étant partie prenante dunivers partagés.
Bien évidemment, on peut toujours imaginer sa mise en uvre à léchelle dun roman. On générerait des phrases aléatoires que lon assemblerait dans des paragraphes aléatoires, eux-mêmes tirés au sort pour se retrouver mis en brochette par une gigantesque loterie apparemment créatrice. Il est aussi facile de comprendre quun tel procédé ne pourrait prétendre à produire un récit narratif véhiculant une histoire porteuse dun sens[14] et ne peut donc à lui seul alimenter un logiciel comme Romanesque.
3. Acheter un logiciel pour jouer à lécrivain
Poursuivons notre exploration des possibles en nous demandant ce qui existe dautre qui pourrait ressembler à Romanesque. De fait, il existe dores et déjà aujourdhui dans le commerce plusieurs outils informatiques qui se présentent comme des moyens de faire de vous un romancier sans trop deffort[15].
On peut les regrouper en trois catégories selon les rôles quils remplissent, sachant quaucun de ces outils ne peut vraiment être qualifié de générateur de roman car ils nutilisent en rien une capacité proprement inventive de lordinateur. En fait, il sagit dabord de logiciels de bureautiques plus ou moins sophistiqués incluant éventuellement des aides mémoires, des fiches sur les personnages, des accessoires cosmétiques (pour mieux mettre en page les dialogues par exemple), ensuite doutils pédagogiques qui vous proposent un didacticiel pour mieux écrire votre roman et enfin de « romans personnalisables ».
* Les outils bureautiques
Les outils bureautiques sont les plus connus. Bien sûr, un traitement de texte comme Word ou Open Office ne peut pas vraiment prétendre faire de vous un romancier (pas plus que la possession dun stylo et un cahier), mais il vous facilite déjà la vie. De fait, il existe des outils plus spécialisés, comme Phraseo[16], qui prétend regrouper tous les outils permettant dorganiser et de développer un projet décriture : « Notez des idées, écrivez la biographie de vos personnages, la bible dune série, un synopsis ou une phrase clef » . Il est distribué par Movie Soft, spécialiste des outils bureautiques ou cosmétiques pour écrire des scénarios ou des pièces de théâtre. De fait, un tel logiciel aide à sorganiser, mais ne franchit jamais la frontière « sacrée » entre assistance technique et réel travail dauteur. Il ne touche au texte que pour en proposer des corrections orthographiques ou de maladroites améliorations de la syntaxe, mais na en rien les moyens de sessayer à écrire par lui-même.
* Les outils pédagogiques
Un pas plus loin dans laide au romancier, mais toujours sans aucune capacité dinvention, se trouvent les logiciels qui se disent « pédagogiques » : un premier exemple francophone est le logiciel jécris un roman[17]. A en croire sa présentation publicitaire bien alléchante, aucun doute, tout le monde peut se lancer. Avec Jécris un roman®, vous disposez de tous les outils pour vous guider dans lécriture de votre livre depuis la première idée jusquà la mise en forme de la version finale. Si vous avez toujours rêvé décrire un livre mais repoussé le moment de vous lancer alors jécris un roman® est conçu pour vous. Véritable partenaire artistique, il vous guidera dans toutes les étapes de lécriture de la première à la dernière page. Roman policier ou daventure, comédie sentimentale ou autobiographie ! Nayez plus peur de la page blanche ! Concrètement ce logiciel propose un traitement de texte auquel sajoutent des outils dapprentissage : une méthode, des exercices, des aides contextuelles, des fiches pour mieux définir ses personnages et ses décors.
Encadré 2 : une pédagogie particulière, celle du logiciel hypnotiseur
On trouve de tout sur le web et même un outil destiné à faciliter lécriture grâce à lhypnose. En résumé, lécran est coupé en deux zones verticales. Dans la partie droite une roue hypnotique qui tourne soit disant pour faciliter votre créativité et dans la partie gauche, la zone où votre talent devrait sexprimer sans retenue Quelques extraits de largumentaire proposé par le Dr Joe Vitale, son créateur : Quelle est aujourdhui la plus simple façon décrire ? .Qui est le magicien de lécriture sous hypnose ? Vous, quand vous utilisez ce nouveau logiciel incroyable !.
En fait il sagit tout simplement dun traitement de texte classique, couplé à la roue hypnotique qui réussit peut être, dans le meilleur des cas, à vous déstresser en prétendant faire disparaitre langoisse de la page blanche. Le tout pour un prix de 99 $ en promotion. La publicité de cet étonnant produit est à découvrir par curiosité à http://www.hypnoticwritingwizard.com/
* Les romans personnalisables
Un peu plus sophistiqués, ces outils sappuient sur une histoire déjà pré-écrite dont ils adaptent quelques paramètres selon les souhaits ou les caractéristiques de la personne qui va les utiliser et à qui lon va faire croire quelle devient co-auteur. Dans cette catégorie, on trouve en France, une série de romans à personnaliser, comme la série monroman, à découvrir à http://www.monroman.com dont la formule daccroche est : Vous avez toujours eu envie décrire, mais vous ne trouvez ni le temps, ni le courage ? Devenez co-auteur du roman dont vous êtes le héros. Un roman écrit selon vos instructions pour vous ou la personne de votre choix. Pour écrire vos aventures, rien de plus simple : choisissez votre intrigue, vos personnages, leurs traits de caractères, le lieu, le style et de nombreux détails qui feront de ce livre le vôtre et nous nous chargeons de la narration selon vos instructions (jusquà 1000 zones de personnalisation pour un roman de 180 pages)
Encadré 3 : Chimère, lun des sept romans personnalisables des éditions Comédia
Voilà comment fonctionne sur un exemple, un des sept romans personnalisables de la série « monroman »[18]: « Chimère » qui sera écrit finalement par Pascal Leby et vous-même propose une intrigue à suspense : Lamitié cest sacré ! Alors, quand une de vos amies disparaît et se retrouve en danger de mort, vous êtes prêt(e) à remuer ciel et terre pour voler à son secours. Une course contre la montre commence, qui vous mènera de Paris aux routes escarpées du Morvan. De votre intuition et de votre rapidité daction dépendra son salut. Une mécanique implacable est en route : à vous de la stopper ! Attention, ça va être à vous.
Sont personnalisables : le personnage principal (qui se trouve plongé dans une aventure trépidante), le tueur à gage (qui naura de cesse de remplir sa mission), le gentil moine et la concierge.
Avec un tel outil, on pourrait imaginer que le logiciel nous fait passer de lautre côté de la frontière de la création. En fait, avec un système uniquement informatique[19], le prétendu « co-auteur » na dautre possibilité que de sapproprier par des minuscules ajustements un récit entièrement préexistant. Il ny a dailleurs pas là de bien grandes prouesses informatiques. En effet, il est facile de définir quelques paramètres interchangeables comme les noms de personnages, des détails vestimentaires (couleurs, tissu, style), de physionomie (silhouette, visage, maquillage ) ou encore des éléments du décor (meubles, monuments, paysage ou météorologie). Le choix en est laissé au soi disant écrivain. Pour cela pas besoin dintelligence artificielle : il suffit de se prémunir contre trois niveaux de difficultés. Dune part il faut prendre garde aux pièges syntaxiques ou grammaticaux, comme par exemple des problèmes daccord ou de liaisons, ensuite aux problèmes de cohérence sémantique (éviter les assemblages improbables qui ont fait les beaux jours des cadavres exquis parce quabsurdes comme cadavres exquis ou a contrario redondant comme un chat félin) et enfin éviter des incohérences de sens qui résulteraient de contradictions, par exemple entre une météo détestable et une description inappropriée dun « maquillage impeccable » et « une pluie battante sous laquelle courrait la jeune femme ». Il se peut aussi que surviennent quelques problèmes phonétiques ou de répétition, mais rien dinsurmontable, si lon sautorise une relecture attentive.
Dans cette gamme des outils de personnalisation, peuvent aussi simaginer des fonctions plus évoluées. Ainsi, une option pourrait amplifier à volonté la dimension descriptive du texte, en ajoutant des adjectifs, des adverbes et des compléments de circonstance. Bien sûr, il faudrait choisir des registres homogènes ou au moins compatibles[20]. Là encore, ce genre doutil est loin dêtre vraiment créatif et, de fait, on en trouve dailleurs un embryon dans les fonctions de synonymie que proposent maintenant certains traitements de texte.
Dans tous ces outils, « lintelligence » de lordinateur nest jamais mobilisée au service de la création, mais seulement de la gestion des mots en réalisant des substitutions ou de fiches pédagogiques,
4. Manipuler des émotions pour inventer une intrigue
Quelques chercheurs travaillent sur la « générativit頻, cest à dire la capacité à générer de nouveaux récits. Par « nouveaux », ils entendent des récits ni directement puisés dans un texte préexistant, ni rédigés par un humain. La plupart de ces travaux sont liés à des recherches conduites par des universitaires intéressés par la théorie de la création littéraire et par les mystérieux mécanismes qui pourraient définir le genre romanesque »[21].
Malheureusement, même sils saventurent de lautre côté de la frontière sacrée de la création, ces logiciels nécrivent pas des romans de plusieurs centaines de pages, mais travaillent soit sur des textes courts (quelques pages maximum) ou sur des synopsis (enchainement des scènes dans un récit). Les premiers cherchent à générer du « langage naturel »[22], proche de ce qui est utile à la traduction automatique, aux créateurs de dialogues pour jeux interactifs ou aux logiciels décriture automatisée de petites notices techniques. Les seconds sintéressent à la théorie de la narration, surtout dans le but de mieux comprendre les ressorts de la dramatisation.
Mexica, un logiciel pour dramatiser des récits en gérant les rythmes émotionnels.
Utiliser les émotions pour piloter la génération de lintrigue dans un logiciel de création dhistoire, le dernier article[23] de Rafael Perez y Perez[24] paru dans Cognitive systems research 8 (2007)″ sinscrit dans cette seconde famille. Lauteur y expose que : les émotions sont partie intégrante du processus créatif ; cependant, il nest pas courant de trouver des modèles informatiques de création où les émotions jouent un rôle fondamental. A contrario, dans ses travaux[25], Perez y Perez a justement créé un modèle de génération informatique qui sappuie sur les émotions et les tensions entre les personnages. Son logiciel intitulé « Mexica » produit des synopsis de courtes nouvelles reliées à la mythologie que les occidentaux qualifient dAztèque. Lidée principale est quune histoire peut être représentée par un groupe de liens émotionnels et de tensions qui évoluent entre les personnages ; les actions qui se déroulent modifient ces liens, créant des sentiments de trahison, ou au contraire damour, de désir ou de confiance, voire des situations paradoxales, capables de pousser au crime (cest la cas lorsque lon découvre que lon a été trahi par celui dont on était fou amoureux).
Les histoires proposées par Mexica sont des intrigues simples : une princesse est sauvée par un chevalier dont elle tombe amoureuse, mais elle devra le tuer et se suicider après avoir découvert quil faisait partie de la bande qui a assassiné son père. Le logiciel cherche dans un premier temps à maximaliser les chocs émotionnels en créant de telles tensions (à partir dune base de données de situations très fortes) puis dans une seconde phase à raconter les faits dans lordre qui met le mieux en valeurs ces paradoxes affectifs.
Mexica peut se comparer à dautres logiciels explor atoires qui visent à étudier la question de la générativité[26]. Les applications Gester et Minstrel, tout deux orientés sur le création de chanson de gestes et de récits de ménestrels sinscrivent dans cette famille. Brutus est quant à lui spécialisé dans les histoires de trahisons. Tous ces logiciels ont un ancêtre commun, intitulé Tale-Spin qui a marqué une des étapes clefs des travaux universitaires sur la génération dintrigue. Lidée principale est de considérer que les personnages dun roman peuvent utiliser des algorithmes identiques à ceux développé par les chercheurs en intelligence artificielle pour la résolution de problèmes.
5. Passer du squelette aux paragraphes
Mettons nous maintenant à la place dAbdel et essayons dimaginer comment pourrait fonctionner le logiciel Romanesque 2.0. Créer un roman, cest enchainer trois étapes : déterminer lintrigue que lon veut raconter, décider du scénario et enfin écrire le texte. Dans le cas de Romanesque 2.0, on part du principe quil sagit dune histoire policière, avec des meurtres, plus ou moins liés à des gares et imaginer que le logiciel fonctionne en partant dun premier squelette standard : un mobile pousse un coupable à commettre un crime dans une gare et on va chercher des indices qui permettront de le découvrir.
A partir dun fil conducteur de ce type, comment peut procéder un logiciel pour effectuer les trois étapes citées plus haut ? La première consiste à transformer ce squelette caricatural en une intrigue spécifique. Pour cela, lhumain qui utilise le logiciel entre des paramètres (cest ce qui se passe avec Pierre dans la première scène du roman Romanesque 2.0). Il choisit ainsi le mobile, le coupable, les indices et leur mode de révélation. Il précise aussi le nombre de meurtres et les caractéristiques des personnages principaux. Le logiciel adapte le squelette pour quil tienne compte de ces spécificités. A la fin de cette première étape, lordinateur a produit une chronologie des faits et a en mémoire un agenda des événements qui servent dintrigue, sous la forme dun tableau de données.
La deuxième étape est celle de la production du scénario, cest-à-dire celle de la détermination détaillée de la narration et du découpage. Elle est liée au choix dun narrateur et dun type de récit. je raconte lhistoire ou au contraire, le narrateur est partout et tout le temps là (narrateur omnipotent et omniscient). Le récit est chronologique ou au contraire, il autorise les flash back Il peut être introspectif ou non, pensé du point de vue de tel ou tel personnage (le meurtrier, lenquêteur, son comparse, un animal domestique, un perroquet). Une fois ces choix faits, le logiciel propose un synopsis détaillé, cest-à-dire un découpage en scènes successives, précisant à chaque fois les personnages en jeu.
Enfin, la troisième étape est celle de lécriture du texte. Le logiciel doit passer de ce découpage des actions et du sens à la production de paragraphes composés de phrases. Il choisit des mots et des formes syntaxiques pour ce faire. Le mécanisme peut être assez simple. Scène par scène, il sagit de passer dune description schématique de ce qui doit survenir à un ensemble de propositions textuelles dont la lecture permet de se représenter laction prévue, tout en suscitant autant que faire se peut curiosité, intérêt et émotions.
Romanesque doit donc travailler à trois échelles complémentaires : générer une intrigue (en définissant des personnages et un problème à résoudre, générer un scénario narratif (en proposant une succession dévénements et démotions rythmés dans le temps) et générer phrases et paragraphes (en produisant du sens, de laction, de lémotion et de leffet de réel avec des mots). En ce sens, un générateur de roman ressemblerait aux logiciels représentant des animations de personnages dans des mondes virtuels en 3D. Ceux-ci doivent aussi fonctionner à de multiples niveaux et créer des formes squelettiques à base de vecteurs, les recouvrir de chairs, peaux et de textures sans oublier de les doter dombres et surtout les mettre en mouvement pour donner un semblant de vie par des interactions entre eux.
6. Générer des histoires en chassant les stéréotypes
A priori, aucune de ces trois étapes ne devrait poser de problème de principe. Pour la première et la deuxième étape, il ny a pas de difficulté insurmontable à imaginer sappuyer sur un squelette standard pour le modifier en fonction de quelques paramètres donnés par un humain, ni a choisir une narration et à optimiser lordre des séquences. En revanche, les intrigues ne seront pas très différentes les unes des autres, ne révélant aucune réelle créativité. De même, la deuxième étape ne soulève pas de problème particulier, cest lhumain qui fait lessentiel du travail en choisissant des lieux, des personnages Pour la troisième étape, la complexité réside dans la génération dun texte qui ne soit ni mécanique ni désincarné. Par exemple, si le scénario prévoit une scène où sera présenté le personnage dun policier distrait dont on va apprendre quil est amoureux dun perroquet, on attend de lécriture littéraire dautre chose que : cette scène présente Mr X, un flic qui est amoureux dun perroquet. On préférerait quelque chose comme : Mr X chercha son perroquet toute la nuit. Au petit matin, il le découvrit installé dans le four à micro ondes, heureusement éteint, et fondit en larmes.
Ainsi, la difficulté des automates littéraires réside dans leur capacité à surprendre le lecteur, voire même lauteur du logiciel. A contrario des romans à personnaliser, on attend deux quils génèrent autre chose que du convenu ou du monotone.
De fait, la même difficulté est déjà présente dans la première étape, celle de la création de lintrigue. Dans le cas de Romanesque nous acceptons que le point de départ soit toujours un squelette stéréotypé. Mais, si ce logiciel existait vraiment et que nous nous retrouvions fréquemment à lire des productions dues à Romanesque, nous serions vite saturés dhistoire de crime dans des gares Bien sûr, pour remédier à cela il est possible denregistrer plusieurs squelettes initiaux, parmi lesquels on donnera le choix à lhumain. On pourrait pour cela partir dune arborescence de tous les types dintrigues possibles, inspirée des travaux de lOuLiPoPo[27], une branche spécialisée de lOulipo qui, sous limpulsion de François Le Lyonnais sétait fixée la mission « de recenser aussi exhaustivement que possible et de classer rationnellement les situations, les mécanismes et leurs combinaisons exploités par le roman policier dénigme et plus largement toutes les situations et les mécanismes potentiels inutilisés, voire inutilisables »[28]. De même, il est facile dimaginer étendre le choix du lieu entre des gares, des aéroports, des basses cours ou des clairières en forêt Le reste nest quune affaire de combinatoire et de temps pour charger à lavance dans les tables de lordinateur tous les cas possibles[29]. Certes, il ny aura là quune pirouette et aucune imagination, mais les hasards des combinatoires pourront avoir pour résultat que lhumain au clavier choisira de faire créer la toute première histoire de suicide dune femme policier après le meurtre de son perroquet dans une station service.
En la matière, le logiciel Mexica cité plus haut fonctionne différemment, utilisant pas à pas des méthodes de résolution de problème pour laisser se développer par elle-même une histoire, de manière heuristique. Le point de départ nest donc pas une intrigue pré-écrite, mais quelques données de base sur les personnages principaux, un peu comme cest le cas dans des séries de récits policiers de Conan Doyle avec Sherlock Holmes ou dAgatha Christie avec Hercule Poirot. Lauteur va soumettre ces héros récurrents à des circonstances particulières posant problème, puis demander au logiciel dexaminer comment les faire agir au mieux selon des règles de résolution de problème.[30]
Ainsi, une princesse va être mise en danger par la chute dun pont de liane traversant une rivière. Parmi de multiples possibilités de sen sortir, elle va obtenir de laide du chevalier Jaguar qui se trouve aussi sur le pont. Cet enchaînement aura été choisi par le logiciel Mexica comme le plus efficace pour la sauver (meilleure résolution de problème pour ne pas la voir mourir noyée). Ensuite, lordinateur fera le bilan de cette première action et interprètera (daprès une table de situations affectives) que ce genre dentraide conduit à un sentiment de gratitude, qui peut se transformer en amour.
Après quoi, la suite de lintrigue se construira pas à pas, par lenchaînement des processus qui découlent des tensions affectives entre les personnages. Au final, ces tensions se dénoueront en général par un ou plusieurs meurtres ou suicides. En effet, dans Mexica, les personnages récurrents sont dentrée de jeu en danger, marqués par des conflits familiaux.
Pour incarner[31] ces personnages (la princesse, son père ou le chevalier Jaguar), pour mémoriser leurs comportements selon les différents contextes (que fait dhabitude un chevalier dans une forêt touffue?) et pour enchainer les scènes, Mexica a été alimenté dabord par une toute première série dhistoires modèles introduites par ses programmeurs. Ensuite, pour diversifier les rebondissements, Mexica peut sinspirer de ce quil a déjà inventé pour de précédentes histoires.
Mais ce nest pas tout ! Une autre spécificité de Mexica est que, une fois lhistoire formalisée, le logiciel va évaluer sa cohérence et son intérêt dramatique pour pouvoir le cas échéant laméliorer. Concrètement, une note de tension affective est attribuée à lhistoire en fonction de lintensité des sentiments évoqués (rencontrer le prince charmant, tuer son amant ou se suicider de désespoir !) et de leurs bouleversements (découvrir tout à coup que le chevalier dont on est amoureux porte à la cuisse le tatouage caractéristique de ceux qui ont tué son père !) Et alors, sentame une phase de doptimisation du récit conduite automatiquement par le logiciel, qui consiste à changer lordre des scènes, voire à en modifier certaines caractéristiques pour donner au scénario la meilleure note dramatique.
Dans cette mission, la supériorité de lordinateur est indiscutable : il peut relire autant de fois que nécessaire les variantes de lhistoire et leur donner des notes sans aucun problème de lassitude, ce qui nest en rien le cas de lauteur humain. Tous ceux qui se sont essayé à relire plus de trois ou quatre fois un texte quils viennent décrire, ne peuvent que se souvenir à quel point cest pénible et combien il devient vite impossible de comparer différentes versions tant les effets de la lecture actuelle se mélangent aux souvenirs de la précédente.
Encadré 4 : apprendre à écrire en lisant des romans existants
Lidée dutiliser la logique des systèmes experts est tentante. Dans un premier temps, on fournit à ce type de logiciel des « règles » pour décortiquer les styles et stratégies décriture, puis on leur fournit autant dexemples que lon peut trouver pour quils remplissent à partir de là une base de données. Ensuite en bon systèmes apprenants, ils les réutilisent au gré de leurs besoins pour « fabriquer » de lécriture « bonifiée ». Une forme de travail quAbdel linformaticien de Romanesque appelait « faire du foie gras ».
Hélas, faire « lire un roman » à un ordinateur , cest-à-dire lui faire décrypter un texte écrit pour en extraire du sens quil pourra réutiliser pour écrire un autre morceau de texte est largement plus difficile que de générer des paragraphes de textes à partir de lexiques classiques. Dans le second cas, il suffit de trouver juste une solution pour exprimer ce que lon veut faire comprendre. Au contraire, dans le premier cas, il faudrait disposer dune machine qui sache tout lire, cest-à-dire de sadapter et de décoder toute forme décriture, tout style quil soit symbolique, descriptif, suggestif.
En résumé, pour quun système expert génère de lécriture à partir de multiples lectures quon lui donnera, il doit dabord être capable de les digérer toutes.
7. Faire ressentir au lieu de raconter ce que lon doit ressentir
Une fois le scénario produit, le problème est celui de lécriture du texte lui-même en langage naturel (cest-à-dire en « français courant »). La référence francophone en la matière est Jean-Pierre Balpe qui conçut et mit en uvre dans les années quatre-vingt dix de nombreux générateurs de romans[32]. Il suffit de se référer à lanalyse qui est faite de ses travaux par Phillipe Bootz[33] pour se rendre compte que des automates (comme ceux de Trajectoires ou Romans) ont été jugés, voici plus dune décennie, capables de produire des textes à la fois signifiants et émouvants.
Bien sûr, ce genre de travail nécessite de disposer dun générateur sophistiqué de phrases, maîtrisant des règles syntaxiques complexes, mais aussi de dictionnaires sémantiques complets, thématisés pour pouvoir choisir des mots dans des registres compatibles. Au-delà de cela, les deux principales difficultés résident dans la nécessité de faire ressentir et non dexpliquer (comme plus haut notre policier amoureux de son perroquet), de suggérer et non de « tout dire ». Là encore, il sagit de choisir la manière dont on va suggérer ce qui se passe entre les lignes et de choisir ce que lon va explicitement décrire au lecteur et ce quon va lui laisser deviner[34]. De fait, il sagit de donner au générateur la capacité de maitriser ce que Bertrand Gervais appelle le niveau « endo-narratif »[35] : « Lire un récit est une activité double, elle demande au lecteur, dune part, didentifier les actions représentées et, dautre part, de les intégrer à une narration. Or, lendo-narratif, [ ] est cette frange théorique étroite qui permet de rendre compte des processus didentification des actions représentées, avant leur intégration à une narration ».
Pour être tout à fait exact, nous nen sommes pas encore là au niveau de lécriture des mots des phrases. Nous travaillons au niveau intermédiaire de la structure dexposition de chaque scène, sur la façon de « planter le décor » et de faire entrer en action les personnages. La solution ne peut venir que par lutilisation par lordinateur de règles que son programmeur lui aura préalablement fournies. On demandera par exemple à lordinateur dutiliser pour chaque début de chapitre un squelette comme « première phrase : précision de décor, – 2eme phrase : position du personnage principal : 3eme phrase : indication révélatrice de son humeur 4eme phrase : début dune action ». Ces différents éléments peuvent être mis en place dans un ordre tiré au sort pour éviter la monotonie dun chapitre à lautre. On peut aussi chercher à laisser transparaître « un style » commun pour se prémunir dune désagréable impression de patchwork .
Une clef importante dans lélaboration du style est celle de lusage de la fractalité ou de « la mise en abyme » de la narration. La même règle peut être utilisée pour écrire des phrases qui détaillent de plus en plus les précédentes, ce qui permet un luxe de détail avec une économie de programmation informatique : « Face à lui, trônait linvraisemblable château de Tremblay sur Cure. Au centre de la façade, souvrait une porte au chambranle ouvragé. Dans lentrebâillement, apparaissait un perroquet majestueux ». Ici nous répétons le même schéma (où ? – verbe daction objet avec adjectif) à trois niveaux enchâssés[36]. Avec de tels outils à sa disposition et quelques principes de bonne écriture romanesque, Jean Pierre Balbe et ses disciples ont prouvé quil nétait pas impossible de produire automatiquement des paragraphes descriptifs quasiment humains.
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Encadré 5 : prototypes, génération spontanée et langage naturel
Pour illustrer le genre doutil que peut utiliser un générateur en langage naturel, citons un extrait de fiction et écriture générative publié[37] sur le site de transitoire observable en 2005 où J.-P. Balpe décrit un des aspects du fonctionnement de son roman génératif un roman inachevé » : Par exemple, le prototype défini de [salle] comporte ici : un nom ; une vue densemble ; des ouvertures : fenêtres, rideaux, portes ; des objets dart : sculptures, meubles précieux, objets ; des meubles : fauteuils, chaises, tables, etc ; un buffet : plats, nourritures, serveurs ; des escaliers : rampes, marches ; des personnes présentes ; un extérieur avec tout ce que cela implique : ciel, météo, etc ; des murs : murs, tableaux, écrans vidéo Une description de « salle » peut donc épuiser le prototype en décrivant tour à tour, dans un ordre non prédéfini, lensemble des éléments qui la composent ou puiser dans le prototype en nayant recours quà un nombre limité de composants du prototype.[Et cela] peut donner naissance au texte suivant : « Les cadres des tableaux rivalisent de richesse dorée ; de lourdes colonnades soulignent la rigueur des murs ; dépais rideaux de velours rouges, soutenus par de larges embrases, enferment les fenêtres ; de nombreuses portes souvrent dans les murs ; des meubles précieux rythment de loin en loin le salon. » Selon le principe de la mise en abîme, chaque spécification dun prototype peut, à son tour, constituer un prototype : [Meuble [localisation-meuble] [caractéristique-meuble]], prototype dont la spécification peut générer des phrases telles : « Près dune des portes dentrée, un guéridon à mosaïque de marbre », « Entre deux colonnes de marbre, une armoire de style Louis XVI
La seule limite théorique est celle de nimporte quelle description du réel : jusquoù aller dans le détail des spécifications ? Pour lessentiel, les choix de lauteur du générateur se limitent à cela : définition du monde, des sous-mondes, des prototypes et des spécifications disponibles de prototypes. A partir de là, le générateur possède un grand degré de liberté puisquil peut, dans lespace qui lui a été défini, sélectionner le point dentrée dans le monde possible et développer ou non ce point dentrée avec une profondeur plus ou moins grande.
Aujourdhui, les informaticiens qui travaillent sur le langage ne sintéressent plus vraiment aux générateurs de romans. Dune part les ex-spécialistes (comme Jean-Pierre Balpe lui-même) se préoccupent surtout maintenant détranges créations multimédia mélangeant texte, image et installation artistique ; Dautre part, en raison du marché grandissant des systèmes communiquant en langage naturel, les technologies progressent à grande vitesse mais servent à créer des traducteurs automatiques ou des rédacteurs de dialogue pour des jeux vidéos et nullement des romans !
En termes de langage on sait donc améliorer ce que lon savait déjà faire voici quinze ans. Des logiciels du type de Romanesque sont sans doute plausibles dès aujourdhui ou au moins à court terme. Mais dans quel but ? Serait-il rentable de développer un automate littéraire ? Aujourdhui le problème de la littérature est plutôt la surproduction. Alors que faire dun automate romancier ? A ce propos, Exemplaire de démonstration, un roman de Phillipe Vasset paru chez Pocket, est édifiant[38]. Il met en scène le ScriptGénérator qui nest pas exactement un automate au sens où Romanesque 2.0 lest, mais un outil qui recycle de la littérature comme nimporte quel autre bien industriel à partir de matières premières textuelles (histoires brutes, romans et scénarios achetés au poids). Et dailleurs cest bien la morale de Romanesque : à quoi servirait t-il de disposer dun automate générateur de roman ? Dans lécriture, le plus intéressant, cest lécriture !
8. Trouver de lintérêt à la génération spontanée
En fait, ce qui nest pas réellement précisé dans le roman Romanesque 2.0 cest le niveau de responsabilité respective du logiciel et de lauteur. De fait, un projet de roman nexiste pas seulement par la dimension de lécriture, mais aussi le travail que représente sa conception en termes dédition. Un roman est un ouvrage qui nexiste que parce que finalement il se matérialise, rencontre des diffuseurs et des récepteurs; et cette fonction éditoriale est difficile à imaginer autrement que réalisée par des humains.[39]
En dautres termes, si lon peut imaginer un automate « auteur », on ne peut en tout cas pas imaginer un automate « éditeur » capable sans intervention humaine de porter un projet de conception et réalisation de roman. Même si de nouvelles formes de diffusion apparaissent (voir encadré XX), il faudra toujours un commanditaire, « un maître douvrage » pour définir les principes du cahier des charges, évaluer la qualité, faire les choix et décider du projet éditorial.
Dans quelques décennies, un logiciel comme Romanesque permettra peut-être à léditeur de se passer dauteur, mais, si cest le cas, il lobligera à assumer simultanément deux responsabilités, en lui transférant celle des choix incombant dordinaire à lauteur. Ainsi, au mieux, un automate générateur de roman supprimera pour cet éditeur/auteur des tâches fastidieuses comme celle de construire « machinalement » les détails des personnages ou des mises en abyme descriptives ; il le guidera dans sa narration en lui proposant des rebondissements adaptés ou des résolutions de problèmes audacieuses, en lui rappelant de ne pas oublier en route des personnages secondaires. Il pourra même comme Mexica lui permettre dévaluer la solution narrative créant la meilleure intensité dramatique, les rythmes les plus accrocheurs
Cest bien dailleurs pour ce rôle quAbdel avait créé son logiciel Romanesque, comme un « nègre » pour que Naïma nait plus à gérer la part fastidieuse de lécriture littéraire. Son projet revenait ainsi à faire de Naïma non plus lauteur de chaque roman, mais une éditrice directrice de collection ayant à sa disposition un atelier décriture capable de lui fournir des morceaux de textes sur mesure et finalement jamais luvre complète, clef en main. Ainsi Romanesque, sil existait, ne serait bien quun nègre, un « ghostwriter », un écrivain fantôme, comme lappellent les éditeurs anglo-saxons. Mais, lacte créatif qui met en forme luvre elle-même résidera toujours dans la définition initiale du projet et plus encore dans le « final cut » celui qui revient toujours à léditeur.
Encadré 6 : dautres formes de distribution pour « automatiser » léditeur
De nouvelles formes de créations apparaissent, quil sagisse de fiction sous forme de séries de courriels ou de feuilletons blogues mélangeant auteurs réels et textes multimédia aléatoires à la parution plus ou moins irrégulière. Citons par exemple « Den » qui est un récit de fiction[40] sous la forme dune correspondance amoureuse entre deux personnes par messagerie informatique. Pour en profiter il vous suffit de télécharger gratuitement un logiciel qui vous permet de lire cette correspondance, comme si vous receviez les courriels (à lire à votre rythme).Un autre exemple de ce nouveau genre de distribution est « La disparition du général Proust », uvre, titanesque et polymorphe, animée par Jean Pierre Balpe : « Conçu comme dynamique, il est soumis à des changements constants qui font quaucun lecteur ne peut être assuré davoir lu une quelconque version définitive qui, par nature, nexiste pas. Enfin lhyperfiction est aussi une autofiction, autrement dit une autobiographie fictionnelle où la réalité se mélange et se confond parfois avec la fiction. Cet ensemble constitue un jeu de renvois, de reprises en miroir, de variations définissant une approche inédite de lécrit littéraire. ».
Concrètement, il sagit dune Hyperfiction distribuée par le biais de plus de 17 blogues en parallèle, développant chacun des facettes de cette histoire tentaculaire, en expansion perpétuelle et proposant chacun des documents de diverses natures, notamment des photographies et des extraits musicaux.
Plus globalement, linformatique permet dexpérimenter de nouvelles relations auteur – lecteur en modifiant la répartition des rôles entre éditeurs, diffuseurs et imprimeurs. En se situant sur ce registre « collatéral » à lacte créatif de lécriture ; on peut reformuler deux autres intérêts des machines et réseaux informatiques, déjà evoqués plus haut,
– s’amuser avec des pseudos-langages en lisant des pseudos histoires
Il est en effet surprenant de se rendre compte qu’un automate peut singer un homme et quil n’y a pas une si grande distance entre des « langues de bois » humaines et ce que peut produire un ordinateur, un cadavre exquis ou une armée de singes tapant aléatoirement des mots. C’est le fondement du plaisir que l’on ressent avec des sites comme charabia.net ou karabine.fr.
– progresser dans la théorie littéraire et dans la rhétorique
Avec un ordinateur, on peut modéliser comment écrit tel auteur, voire même tenter de singer une de ses uvres. Derrière ces possibilités, souvrent des opportunités de mieux regarder dans le concret de l’écriture à quoi tient l’endo narratif, l’effet de réel, bref tout ce qui fait lefficacité dun romancier[41]. Les travaux utilisant des statistiques textuelles pour réaliser des analyse stylistique automatique commencent à se multiplier, permettant de consolider le pont entre les champs universitaires de la linguistique et de la littérature.
9. Identifier le gène de la créativité
Au-delà des trois bénéfices « collatéraux » que nous venons de rappeler, reste toujours à savoir où lordinateur pourrait puiser une quelconque capacité de création originale. La chercher, cest chercher comment rendre une telle machine électronique apte à sortir des sentiers battus tout en restant porteuse de sens. La clef pourrait venir de lusage simultané de trois capacités complémentaires des ordinateurs : celle de multiplier lunivers des possibles à linfini, celle de dobjectiver des indicateurs damélioration de tel ou tel critère et celle de réaliser de multiples itérations sans fatigue ou lassitude.
Les ordinateurs peuvent en effet à la fois :
– Multiplier les essais pour maximaliser les choix possibles. On le comprend bien quand on considère les cadavres exquis ou la métaphore des singes : plus une machine essaye de variantes différentes, plus on augmenta la possibilité de trouver une forme optimum.
– Fournir des indicateurs qui permettent de formaliser des qualités dhabitude implicites dun texte. Parmi une série de brouillons créés au hasard par lordinateur, ils lui permettent alors de déterminer la « meilleure » variante au regard de ces critères .
– Procéder sans se lasser à une quasi-infinité de relectures, sans être perturbé par des impressions humaines de déjà lu, en restant insensible à la lassitude du romancier qui finit par renoncer à tester dautres possibles, bien avant davant davoir tout essayé, tous évalué et tout optimisé.
Reste au programmateur (humain, lui) à ajouter à la cxistence de ces trois capacités une grande vigilance. Il doit éviter de contaminer lordinateur avec toutes les inhibitions ou stéréotypes implicites à notre façon habituelle décrire. Bien sûr, il faut lui imposer suffisamment de règles dassemblage des mots pour quil génère du sens. Mais, paradoxalement, en parallèle, il faut le protéger de toutes les habitudes inconscientes qui dordinaire interdisent à un auteur humain daccoler un adjectif sacrilège comme « exquis »au substantif « cadavre ». Une machine ainsi programmée livrera parmi ses multiples combinatoires, certaines variantes qui transcenderont nos limites et nous paraîtront daudacieuses créations.
Ce serait donc dans cette capacité damélioration par itération que se situerait le germe de la créativité. Si lon suit cette idée, lordinateur pourrait oser des formes créatives parce quil bouleverse doublement le rapport de lauteur à la mémoire. Dune part, il possède toutes les mémoires du monde et peut y stocker toutes les grammaires, tous les lexiques, peut les mélanger dans de multiples combinatoires explorant ainsi des univers des possibles quasi infinis. Dautre part, il peut tout oublier, être libéré des implicites et exonéré de toute lassitude, libéré de la mémoire instantané des lectures précédentes, et, cent fois sur le métier, remettre son ouvrage.
Ce nest dailleurs peut-être pas si nouveau : communiquer avec autrui impose lusage de codes et lexiques semblables pour tous servant de porteuse à de subtiles variations superficielles que lon appelle le message. Ecrire consiste donc à doser réminiscence et émancipation, c’est-à-dire encodage et transgression. Si nous arrivons à programmer nos ordinateurs à tout retenir des codes et lexiques et à tout oublier des stéréotypes et du déjà-vu, ils devraient pouvoir en retour nous proposer une écriture créative.
Alors, un ordinateur pourrait-il un jour gagner le prix Goncourt ? Plutôt que de prendre le risque de répondre définitivement à cette question surtout symbolique, il vaut mieux conclure par une autre, davantage dans lesprit[42] de lOulipo et mettant en scène notre million de singes dactylographes : Combien dannées leur faudra-t-il pour taper au moins un roman où le Goncourt serait attribué à un ordinateur ? Et combien de fois plus pour que ce prix soit attribué par un jury composé lui-même de machines équipées de programmes d’évaluation littéraire ?
[1] Raymond Queneau, Exercices de style, Paris, Gallimard Folio, 1982 [ed. originale 1947, Gallimard
[2] Raymond Queneau, Cent milliards de poèmes, Paris, Galimard, 1961
[3] Borges, « La bibliothèque de Babel », publiée dans Fictions un recueil de nouvelles de Jorge Luis Borges, 1944. Le texte intégral de cette nouvelle écrite en 1941 à Mar del Plata (traduite en français dans la version de Ibarra) est disponible à http://zombre.free.fr/pages_indispensables/bibliotheque_babel.htm (tous les liens cités dans ce texte ou ces notes ont été consultés en ligne le 12 septembre 2007).
[4] Voir par exemple le site de la revue « Formules » consacrée à ce type de littérature http://formules.net
[5] Voir en particulier http://oulipo.net , le site actuel de lOuLiPo
[6] Emile Borel, « Le hasard », Paris, Alcan, 1913
[7] Arthur C. Clarke, « The nine billions names of Gog, XXX, 1953, republié en traduction française par Librio n°145 en 1998
[8] Ce néologisme a été inventé par Ted Nelson en 1965 dans son ouvrage « Dream Machines » pour désigner un réseau de documents informatisés liés entre eux. Ils ne sont pas conçus pour une lecture linéaire.
[9] Comme les livres dont vous êtes le héros dont lordre de narration, voire lissue, est déterminé par les choix du lecteur à la fin de chaque bloc de texte (Gallimard Jeunesse a ainsi publié une collection de près de 200 hyper-romans qui se joue avec des dés et qui porte ce titre générique).
[10] Voir en particulier sur internet le portail http://ifiction.free.fr , le « carrefour français de la fiction interactive », entièrement consacré à ce genre.
[11] Il sagit de http://www.transitoireobs.free.fr créé par Philippe Bootz, Alexandre Gherban et Tibor Papp en 2003. Voir ainsi son manifeste éditorial à http://transitoireobs.free.fr/to/article.php3?id_article=1
[12] [8] Jean-Pierre Balpe, in « Ecriture sans manuscrit, brouillon absent », avril 2002, disponible à http://hypermedia.univ-paris8.fr/Jean-Pierre/articles/manuscrit.pdf (p 7) ou à http://transitoireobs.free.fr/to/article.php3?id_article=40
[13] Pour reprendre lexpression dAlexendra Saemmer, auteure de louvrage de synthèse « matières textuelles sur support numérique »], Presses universitaires de Saint-Etienne, 2007, qui propose un très intéressant tour dhorizon des hypertextes et hypermédias existants et de leurs caractéristiques.
[14] De fait on trouve sur lInternet de séduisants outils qui sinspire de près ou de loin dune telle méthode pour caricaturer lactualité en fabriquant de fausses dépêches (http://www.karabine.fr ).
[15] Nous ne parlons plus ici des « simples » générateurs de phrases qui proposent du « cadavre exquis » automatiques, qui sont des gadgets amusants, comme ceux que lon trouve sur http://ww.charabia.net ou de petits générateurs de haïkus composés de quelques mots, mais bien de logiciels destinés à produire des romans.
[16] Disponible à http://www.phraseo.com/fr/
[17] Diffusé par http://www.vidatech.fr . Voir en particulier http://www.vidatech.fr/fr/
[18] « Mon roman » est diffusé par les éditions Comédia à http://www.ed-comedia.com
[19] Le site de monroman.com précise que « votre roman est traité par notre logiciel qui permet dautomatiser une grande partie du travail. Aussi performant soit-il, il nest toutefois pas en mesure de traiter lintégralité des tâches nécessaires à lécriture de votre roman. Sil est rapide et fiable, il manque cependant de sensibilité, de chaleur humaine ! Cest alors quinterviennent nos rédacteurs et rédactrices, qui sont spécialement formés pour faire passer dans le texte de votre roman la couleur spécifique, lambiance qui ressort de votre apport, et donner la teinte unique que vous avez choisi pour votre livre. ».
[20] On pourrait aller les puiser au sein dunivers sémantiques prédéfinis, sappuyant sur des sélections de mots ou dexpressions que lon trouve très fréquemment associés afin de minimiser les risques dincohérence. Aujourdhui de multiples analyses de données textuelles existent qui fournissent de tels index ou lexiques de ce type. (voir par exemple les travaux publiés par la revue Corpus http://corpus.revues.org/index.html ).
[21] Voir par exemple les travaux de Thomas Beauvisage sur les analyses du roman policier à http://www.revue-texto.net/Inedits/Beauvisage/index.html (publié dans la revue T.A.L. n°43, 2001).
[22] Cest-à-dire faire dialoguer les ordinateurs en français dans le texte.
[23] Voir Rafael Perez y Perez, Employing emotions to drive plot generation in a computer-based storyteller paru dans Cognitive systems research (2007).
[24] Chercheur à luniversité de
[25] Voir un autre article de R. Perez y Perez avec M. Sharples de lUniv. de Birmingham : MEXICA: a computer model of a cognitive account of creative writing. publié par Journal of Experimental and Theoretical Artificial Intelligence (2001) et disponible en ligne à : http://www.eee.bham.ac.uk/sharplem/Papers/mexica_jetai.pdf
[26] Voir sur ce sujet, des mêmes auteurs: « Three Computer-Based Models of Storytelling : BRUTUS, MINSTREL and MEXICA » disponible à : http://www.nottingham.ac.uk/lsri/msh/Papers/MEXICA%20KBS.pdf A signaler aussi la page http://liquidnarrative.csc.ncsu.edu/developers/bibliography/narrative-generation.html consacrée aux générateurs par le Liquid Narrative Group : http://liquidnarrative.csc.ncsu.edu/ . Sur tous ces sujets, voir aussi http://www.dm.ucf.edu/~rmcdaniel/files/dissertation.pdf.
[27] Ouvroir de Littérature Policière Potentielle.
[28] Subsidia Pataphysica n° 24-25 (1974)
[29] Ce qui ira dautant plus vite que lon autorisera le logiciel a aller chercher ses propres informations en ligne sur Internet, comme peut le faire Romanesque 2.0
[30] Voir le n° 8 paru en 1966 de la revue « Communications » sur la combinatoire des intrigues, avec notamment un texte de Barthes sur « lanalyse structurale des récits et un article dUmberto Eco sur la combinatoire narrative dans les aventures de James Bond [rééditée au Points Seuil en 1981]; Voir aussi le n°17 de la revue Loxias « littérature à stéréotypes », Odile Gannier [dir.] texte intégral en ligne à http://revel.unice.fr/loxias/sommaire.html?id=1357
[31] Au sens de mettre en chair et donner une personnalité spécifique.
[32] (ou de nombreux romans générés, selon la façon dont on considère la question) comme Le masque, Paysage sans ombre et surtout Trajectoires, Romans ou plus récemment « Fictions ».
[33] Sur http://www.olats.org/livresetudes/basiques/litteraturenumerique/11_basiquesLN.php.
[34] Voir Hans-Georg Gadamer et ses écrits sur lherméneutique : le lecteur lance des projets détablissement du sens au fur et à mesure de sa lecture . Voir particulièrement Vérité et Méthode Paris, Le Seuil, 1996.
[35] Bertrand Gervais in « Lecture de récits et compréhension de laction », Montréal, revue Vox poetica, 2005.; A lire en ligne à http://www.vox-poetica.org/t/pas/bgervais.html.
[36] On peut même faire varier aléatoirement la profondeur de ces enchâssements de niveaux, par exemple entre 1 et 4 selon les passages du récit. Bien évidement, pour limiter la sensation de stéréotype, on peut alterner une mise en abime dune description avec une action en cours.
[37] http://transitoireobs.free.fr/to/article.php3?id_article=48
[38] Il sagit à notre connaissance du seul roman contemporain autre que Romanesque 2.0 à mettre en scène un logiciel de génération de romans.
[39] Bien évidement on peut imaginer des distributions virales de textes auto générés (comme il est évoqué pour lenvoi de la fatwa virtuelle qui tuera P.A.Q. dans le roman Romanesque 2.0.), mais de tels projets sapparentent plus au genre éditorial roman.
[40] A découvrir à http://www.greatamericannovel.com/ créé en 2004 par http://www.corporate-ave.com/
[41] Voir le logiciel TextArc à http://www.textarc.org/ avec en particulier les travaux sur le texte dAlice in Wonderland de Lewis Caroll ; voir aussi le logiciel « semato de lUQUAM à http://fable.ato.uqam.ca/guidexpert-ato/gea.asp ) et enfin la définition des genres policiers par Thomas Beauvisage, (op. cit. en note 21)
[42] Cette conjecture ma été suggérée par mon ami anthropologue Gérard Gautier.